Le texte en entier avec les notes les liens ici
Ce texte fait suite à un autre texte qui circule suite à la manifestation du 25 mars à Sainte-Soline, et qui commet plusieurs erreurs d’appréciation par rapport aux collectifs et personnes qui ont été impliquées dans l’organisation et la « gestion » de cette journée.
Encore une fois, le spectre de la ZAD vient y simplifier l’analyse, en se fondant sur des conflits et violences anciennes ou plus récentes qui, si elles ont été bien réelles, ne peuvent indéfiniment être mobilisées ou instrumentalisées pour essentialiser et dégommer des mouvements plus actuels qui tentent de les dépasser, et qui sont moins binaires qu’on ne voudrait.
Commençons par un bref retour historique, qui ne se veut pas exhaustif, mais qui prétend remettre quelques choses à leur place.
L’« Appelisme » et les traumatismes de la ZAD
Il était une fois un groupe d’étudiant-es parisien-nes, un peu situationnistes, un peu mao-spontex, un peu nostalgiques du temps où la nouvelle gauche faisait trembler l’État, les armes à la main. Ce groupuscule s’est choisi alors un nom sorti d’un imaginaire mystique, Tiqqun, pour produire des textes verbeux, lyriques et passéistes, prophétisant le sabotage et l’insurrection armée [1], dont "L’Appel" qui donnera plus tard leur nom aux "ami-es" de ses auteur-es et aux amateur-ices de leurs écrits. On était alors en 2007. Pas un grand succès à l’époque, jusqu’à ce que le ministère de l’intérieur n’en décide autrement : au matin du 11 novembre 2008, « l’affaire Tarnac » s’ouvrit par une opération de communication tonitruante, au cours de laquelle des flics en cagoules vinrent arrêter quelques colocataires d’une ferme du Limousin, les accusant d’appartenir à une cellule terroriste. Une sombre histoire de trains. Un certain Alain Bauer, criminologue, aurait suggéré que les bouquins du Comité Invisible - projet littéraire qui a succédé à Tiqqun - pourraient constituer un manuel à l’usage des terroristes. Lumières sur l’autonomie. Les généreux renseignements décidèrent alors de rebaptiser la nouvelle gauche en ultra-gauche, épouvantail qui servira bien souvent dans la décennie suivante à surveiller et tenter de détruire tout ce qui conteste l’autorité de l’État, que l’on porte un drapeau rouge, un drapeau noir, un drapeau rouge et noir, ou encore qu’on déteste tous les drapeaux. Et cela même au delà du fiasco judiciaire que deviendra l’affaire Tarnac, comme d’autres affaires d’association de malfaiteurs après elle.
[...]
Tout d’abord, il est utile de préciser qu’à la suite de la manifestation de Sainte-Soline du 30 octobre 2022, au cours de laquelle il y avait eu plusieurs blessé-es, l’équipe de soutien juridique des Soulèvements de la Terre a immédiatement pris contact avec d’autres collectifs contre la répression et les violences policières pour organiser à la fois le suivi des blessé-es de cette précédente action, mais également pour mettre sur pied une base autonome de soin pour la manifestation suivante. Au cours des mois qui ont précédé le 25 mars, de nombreux-ses personnes ont rejoint la « base arrière » censée apporter un soutien juridique, médical, psychologique et de prévention contre les violences sexistes et sexuelles. Au sein de cette base arrière, la majorité des personnes n’avaient aucune affiliation avec le collectif des Soulèvements de la Terre et provenaient d’horizons et de pratiques de luttes diverses. Des débats et désaccords ont pu prendre place à l’occasion des discussions de préparation du 25 mars, au cours desquelles le fait d’inclure des informations sur les armes n’a pas fait débat. Deux briefs en ligne devant 700 à 2000 personnes à moins d’une semaine de l’action ont d’ailleurs permis de transmettre des informations nécessaires pour se protéger de la répression et des armes. Enfin, juste avant le départ pour l’action, la difficulté à se réunir et le stress du moment n’ont pas permis de reproduire un brief exhaustif, mais une personne de l’équipe juridique a fait un brief complet au micro, incluant la question des armes et du soin devant plusieurs centaines de personnes présentes sur le campement éphémère.
Il est également important de noter que l’équipe juridique se retrouve à assumer le suivi des dizaines de blessé-es, avec le soutien de collectifs luttant contre les violences d’État, sans que les personnes décriées dans la brochure évoquée ici n’aie joué un rôle dans la mise en place spontanée de ces outils au service exclusif des personnes victimes de la répression. Par ailleurs, les avocat-es qui se sont rendues disponibles pour le suivi des personnes arrêtées ne sont pas affilié-es aux Soulèvements de la Terre, mais coopèrent habituellement (et non exclusivement) avec des legal teams et caisses antirep, dont un certain nombre sont réunies au sein du réseau Rajcol [7]. Comme les street medics, les legal teams sont avant tout un outil de l’autonomie, qu’on ne peut assimiler ou rattacher à des groupes politiques sans risquer de faire les mêmes raccourcis que la police.
Nous ne sommes pas forcément tou-tes les Soulèvements de la Terre, mais les Soulèvements de la Terre nous appartiennent si nous en faisons le choix et si nous faisons l’effort d’apprendre de nos faiblesses et de nos erreurs, pour améliorer ses modes de fonctionnement, mais aussi pour maintenir un rapport de force face à l’État en ces temps de répression féroce.
Toute mon attention et ma solidarité va aux victimes des violences d’État et aux blessé-es de Sainte-Soline.
Prenons soin de nous.
Un anarchiste qui a contribué à la base arrière pour l’action de Sainte-Soline
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