Entrée en matières de Fecal

Ce vendredi 1er décembre était attendu avec beaucoup d’inquiétude par la
société mexicaine, inquiétude des partisans du PAN qui craignaient que les
opposants parviennent à empêcher la cérémonie d’investiture du nouveau
président, inquiétude des partisans du PRD qui craignaient qu’elle ait
bien lieu, inquiétude des observateurs qui craignaient une nouvelle
flambée de violences. En effet, la société mexicaine est polarisée entre
les milieux aisés et conservateurs qui soutiennent Felipe Calderon (du
Parti d’action nationale) et les milieux populaires qui soutiennent le
candidat évincé par fraude électorale, Andrés Manuel Lopez Obrador (du
Parti de la révolution démocratique).

A 9 h 40 précises, ce matin, toutes les chaînes de télévision du pays ont
dû suspendre leurs émissions et diffuser exclusivement les images et
commentaires de la télévision nationale officielle - entendez "la voix de
son maître". Durant vingt minutes, les téléspectateurs ont eu droit aux
dissimulations les plus grossières, et aussi les plus absurdes, étant donné
que les autres versions pouvaient être vues et entendues avant et après la
version officielle.

Avant le début de la cérémonie, en effet, Televisa, l’une des deux
principales chaînes privées, montrait la Chambre des députés, où allait
avoir lieu la prestation de serment du nouveau président, en véritable
branle-bas de combat. La tribune complètement remplie de députés, moitié
du PAN, moitié du PRD, les cris opposés des deux côtés, les coups de
sifflet de protestation du PRD, les nombreux agents de sécurité habillés
en civil mais reconnaissables à leur cravate rouge, enfin quelques
escarmouches dans le tumulte, de députés en venant aux mains mais retenus
par leurs confrères. Un seul accès à la salle est contrôlé par les
Panistes, tous les autres sont occupés par les opposants.

Quand la télévision officielle confisque l’antenne, elle montre d’abord
les images de Felipe Calderon sortant de chez lui avec sa famille, puis le
convoi qui le mène vers le Palais législatif de San Lazaro (siège du
Parlement). Quelques minutes après, sans qu’on ait pu voir comment il
accédait à la salle, on le voit debout, à côté du président sortant,
Vicente Fox, devant une petite chaire amovible qui sera retirée
immédiatement après sa très brève prestation de serment. En une minute, il
a fini de prononcer les phrases prévues par la Constitution et revêtu la
bannière aux couleurs nationales ; en trois minutes, il est sorti de la
salle et tout est terminé. Commentaire du journaliste : l’assemblée était
très tranquille (et la caméra filme... les hommes en cravate rouge !), les
députés acclament le président (et la caméra filme exclusivement le côté
du PAN), toute la salle entame l’hymne national (on entend toujours les
sifflets furieux du PRD, mais, sans commentaire à leur propos, on pourrait
croire qu’il s’agit de sifflets d’allégresse) ; tout s’est passé sans
aucune tension et dans le calme.

A 10 heures, les programmes indépendants reprennent, et la version est
tout autre : durant les trois minutes de présence de Calderon, tandis que
les députés du PAN, tous massés autour de lui sur la tribune, criaient
"Mexico !" et "Calderon !", les députés de l’opposition, retirés sur leurs
fauteuils dans la salle, criaient "espurio !" ("usurpateur !")
et "fuera !" ("dehors !"). Après la prestation, les premiers criaient
"si se pudo !" ("on a pu le faire !") et les autres "va caer !" ("il va
tomber !"). Tranquille et unanime, n’est-ce pas ? Merci la voix
officielle !

Autre anomalie dissimulée : normalement, le président prononce devant la
même Assemblée son premier discours à la nation ; aujourd’hui, il est
immédiatement parti le prononcer ailleurs, à l’Auditorio national, où
s’étaient réunis exclusivement des militants du PAN et des amis et invités
personnels de Calderon - et c’est ce public qu’on appelle "la société
civile mexicaine". Les routes autour de l’Auditorio, qui se situe près du
musée d’anthropologie, au bord du parc de Chapultepec, étaient
complètement bloquées par des barrières et gardées, selon la journaliste,
par une vingtaine d’unités armées empêchant toute pénétration. La presse
devait rester dans le hall d’entrée de l’Auditorio et ne pouvait accéder à
la salle principale.

On annonce que les partisans du PRD entament une manifestation depuis le
zocalo vers l’Auditorio, puis plus rien. A suivre.

Annick Stevens, à partir de Televisa Mexico


publié le 3 décembre 2006

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