⚫ SITUATION À CALAIS - FRONTIÈRE CONTAMINÉE D’UN ÉTAT NÉCROSÉ.

Un camarade nous envoie ce récit sur la situation à Calais où les exilé.e.s sont méprisé.e.s et complètement oublié.e.s des mesures sanitaires et de confinement.

Nous assistons, jour après jour, à la condamnation à mort par non-assistance de l’ensemble des personnes enfermées en prison, en centre de rétention, à la frontière, à la rue. Nous devenons une nouvelle fois témoins immobiles d’une sélection sociale construite pour maintenir les logiques d’écrasement. Nous y sommes, la survie est maintenant régie par le mérite et la place sur l’échiquier économique.

Aujourd’hui, à Calais, l’« évacuation sanitaire » du lieu de vie des plus de 300 personnes exilées vivant dans les derniers campements non clôturés a été annulée. « Un nombre de places insuffisant » a expliqué la préfecture. Comme une mauvaise blague. Elle est finalement reportée car deux habitant.e.s d’un campement ont été diagnostiqué.e.s atteints du covid-19, hébergé.e.s directement dans un appartement en quarantaine, avec équipe médicale associée.

Alors pour les centaines d’autres, l’hébergement, on verra plus tard. Tant que les citoyen.ne.s avec papiers et maison ne sont pas touché.e.s, il n’y a pas d’urgence à la dignité. En revanche, la paix sociale avant tout. Laisser les « migrants contaminé.e.s » à la rue ferait peur aux braves français.e.s non-contaminé.e.s, cloitré.e.s dans leurs maisons.

Le « migrant jonchant nos trottoirs, violent, voleur, et sanguinaire », déjà décrit par la préfecture comme le pinacle de l’horreur, n’a jamais autant fait peur que depuis qu’il risque de contaminer.

Même la tuberculose n’avait pas fait autant trembler la préfecture, lorsque les associations alertaient en 2018 sur les risques de contagion, après que des dizaines de cas avaient été diagnostiqués dans les campements calaisiens. Aucune réponse, aucune solution d’hébergement proposée, aucun soin adapté.

Le Docteur Fabre-Teste, responsable du CLAT (Centre de Lutte Anti-Tuberculeux) avait justifié cette non-réaction par le simple statut« exilé » des patients. « Ils l’ont tous attrapé en Libye ». « De toute manière, ils vont partir en Angleterre ». Si le cheveu d’un.e calaisien.ne aurait été effleuré, l’état de crise sanitaire aurait surement été décrété sur le champ.
Quand le racisme d’État s’immisce dans la médecine, le syndrome de Godwin se dessine.

Une autre musique assourdissante est parallèlement jouée lorsque la classe dominante connait son premier décès. Un appel de deuil national est quasi commandé par l’ensemble de la sphère politico-médiatique pour Devedjian, élu ultra-nationaliste connu pour ses ratonnades de jeunesse. La même semaine, une caissière meurt sans hommages nationales. Macron, quant à lui, supplie les travailleur.se.s précaires de ne pas oublier les actionnaires. Comme quoi, le droit à l’existence n’est pas règlementé depuis aujourd’hui.

Cela fait des dizaines d’années qu’éxilé.e.s, citoyen.ne.s, militant.e.s, associations, s’agitent devant les pouvoirs publics pour demander le respect du droit à l’hébergement inconditionnel. Quelle naïveté, il n’a jamais existé.

Tous les préfets du pays n’auraient pas le cynisme de contester le fait que les recours proposés aux personnes à la rue sont virtuels. Le DAHO (Droit à l’Hébergement Opposable) n’est qu’un outil bureaucratique du pouvoir pourgagner du temps.

Même le référé Liberté (procédure administrative censée permettred’obtenir, dans un délai très bref « toutes mesures nécessaires » quand l’administration, dans l’exercice de l’un de ses pouvoirs, porte une « atteinte grave et manifestement illégale » à une liberté fondamentale) est truqué. Il demande des conditions si strictes qu’il suppose de prouver que l’on mérite plus qu’un autre le droit d’avoir un toit sur la tête. Il installe délibérément une hiérarchie dans la vulnérabilité d’une existence à la rue, une concurrence entre précaires. Comme si l’on pouvait s’adapter à la rue, se faire à la misère, être compréhensif face « aux difficultés structurelles liées à la saturation du dispositif d’hébergement ». Bref, une procédure hurlante d’absurdité et de sarcasme, tout sauf inconditionnelle.
Les mesures de confinement proposées aux éxilé.e.s de Calais gardent ce ton.

A l’heure du martellement des règles de confinement, des hashtags, de la culpabilisation collective, les propositions d’hébergement pour les personnes jugées indésirables sont abandonnées.

A Calais, on annonce reporter le confinement comme s’il s’agissait d’une maladroite erreur d’inattention. On fait semblant d’ignorer que les personnes à la rue étaient si nombreuses. On fait comme si une opération sanitaire d’ampleur humanitaire avait été prévue, alors que les mesures prises se réduisent à une simple expulsion de campement reproduite des centaines de fois ces dernières années.

Puisque c’est déjà trop, rien ne sera fait. La communication politique permet de feindre des actions d’exception, quelques douches en plus, une solidarité nationale exemplaire.

A l’heure de l’exacerbation des valeurs identitaires et de la délation pseudo-fraternelle, écoutons attentivement les murs se briser sous les coups lourds et sourds des oublié.e.s enfermé.e.s. Est venu le temps de la riposte collective pour mettre fin au processus d’exclusion généralisée mené par un système d’ores et déjà en fin de vie.


publié le 1er avril 2020

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