Au CRA de Coquelles : “Ils m’ont kidnappé”, témoignage d’Ahmed

Après avoir fini sa peine de prison, Ahmed a été enfermé au CRA (centre de rétention administrative) de Coquelles, à côté de Calais. La police le retient depuis une vingtaine de jours dans cette prison pour les personnes sans-papiers en attente d’expulsion, alors qu’il voudrait quitter le pays au plus vite pour rejoindre sa famille qu’il n’a pas vu depuis longtemps. Voici son témoignage, qu’il souhaite diffuser aussi largement que possible, notamment aux journalistes.

« Le 4 août je suis sorti de la prison de Longuenesse. Normalement, je devais sortir entre 8h et 9h. La prison m’a gardé jusqu’à 11h en cellule. Dans la loi française c’est un vice de forme. A 11h je suis sorti de la cellule. A 11h20 j’étais au greffe. Là, il y a eu encore un retard. A 11h45, la police m’a pris dans son bureau. À 12h20, j’avais encore le numéro d’écrou. C’est interdit par la loi française.

Après, ils m’ont menotté derrière le dos, ils m’ont blessé à la main. J’ai dit « vous me faites mal », il m’a dit « je veux rien savoir de tout ça, je fais ce que je veux ». J’ai parlé avec l’assistante sociale d’ici, qui m’a dit « normalement ils doivent te relâcher, ils ont pas le droit de te garder ici ». Quand je suis passé devant le juge, il a rien voulu savoir de tout ça. Il a rigolé devant moi. Pourtant l’avocat a bien dit qu’il y avait un vice de forme. Il m’a donné 28 jours en plus. J’ai fait appel, mon appel a été rejeté j’ai même pas pu passer.

Nous les Marocains, les Algériens, on est bloqués ici. Ils ont pas le droit de me garder ici. Quand j’étais en prison, j’ai écrit plein de lettres à l’ambassadeur du Maroc, il m’a jamais répondu. Je suis bloqué ici. Je comprends pas ce que je fais ici. Quand j’étais à la prison, on m’a dit que j’étais vraiment victime de racisme.

En prison, je suis passé 9 fois devant le juge d’application des peines. Il m’a dit « tu finis la prison, après tu rentres chez toi ». Maintenant on me laisse pas partir. Où elle est la justice ? Moi j’ai jamais refusé d’être expulsé, je me suis toujours bagarré pour rentrer chez moi. Le problème c’est que la justice a toujours refusé quand j’étais en prison. Maintenant elle m’envoie ici.

Ici c’est dégueulasse, on marche au milieu des poubelles, il y a des souris qui nous marchent dessus la nuit. On a des portables donnés par la police, mais le problème c’est qu’ils ont coupé les caméras. Sinon j’aurais filmé tout, tout, tout. Y a rien qui marche ici. C’est pire que la prison !

Aidez-moi s’il vous plaît. Je veux pas rester ici, je veux sortir. J’ai une famille, des enfants. Ils sont au Maroc, et une fille en Angleterre. Ils m’appellent et ils disent « viens chez nous, tu nous manques, viens nous voir ». J’ai fini ma prison, j’ai fait ma peine.

L’autre jour, j’ai fait grève de la faim pendant 4 jours. J’ai pas mangé. L’infirmier il m’a même pas appelé. Normalement tu fais une grève de la faim, au bout du 2ème jour ils t’appellent. Là, il m’a rien demandé. Ils en avaient rien à foutre. Ils en ont rien à foutre de tout le monde ici, pas juste de moi.

Hier, j’ai demandé à l’assistante sociale comment faire pour sortir, pour qu’elle m’aide. J’ai demandé « Vous pouvez demander à la police où ça en est les papiers ? ». Elle m’a dit « non je peux pas faire ça, un criminel il faut qu’il paie. ». J’ai dit « j’ai déjà fait de la prison, j’ai fait ma peine, t’as pas le droit de me parler comme ça ». Je suis parti parce que je veux pas me prendre la tête avec elle, je veux pas plus de problèmes. Mais quand elle a dit ça, j’étais choqué. Moi j’ai payé ma peine en prison.

Ici, dans la promenade, y a des bouteilles, des mouchoirs, des cigarettes, partout, c’est dégueu. Personne vient nettoyer ça. J’ai demandé « donne-moi un balai je vais nettoyer ça », on m’a dit « non monsieur c’est interdit »… Alors ramenez quelqu’un pour nettoyer ça ! Dommage que les téléphones ils aient pas de caméras.

J’ai besoin de parlez avec des journalistes. Il faut qu’on voit ce qu’on fait ici. Ça c’est pas une justice. Ils m’ont kidnappé. Il faut qu’ils paient. Normalement du bureau de la police ils devaient pas me ramener ici, normalement ils devaient me relâcher tout de suite. »

Lire l’article sur le blog de Calais Migrant Solidarity.


publié le 24 août 2023

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