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Baudrillard... simulacre
envoyé le 17/02/06 Mots-clés  sexisme   LGBTQI-phobie  

D’après http://lmsi.net/impression.php3?id_article=507

8 février 2006
Bonjour... Baudrillard, par Thomas Florian
Baudrillard sans simulacres

Célébré dans de nombreux médias comme un sociologue de génie, Jean Baudrillard a pourtant peu à voir avec la sociologie, puisque rien dans ses écrits ne laisse entrevoir l’ombre d’un quelconque travail d’enquête, ni une quelconque démarche réflexive sur les concepts qu’il manie. Le registre de discours de cet auteur est plutôt celui du "Grand Penseur", du "visionnaire" qui peut se passer de preuves et de démonstrations, et asséner des vérités "profondes" sur le devenir de "nos sociétés". Dans un remarquable essai [1] dont est extrait le texte que nous publions, Thomas Florian montre que "le roi est nu", et que cette nudité n’a rien de séduisant : derrière le style sentencieux, les airs inspirés et les paradoxes faciles, ne restent que des platitudes ou des reformulations "branchées" de l’homophobie, du virilisme, de l’antiféminisme, de
l’élitisme et du mépris de classe les plus ordinaires - ou, parfois, les plus extrêmes.

Baudrillard prend si fréquemment la pose du penseur profond pour énoncer des évidences ou des platitudes qu’il n’est pas rare qu’on soit pris de fou rire en le lisant. Un exemple entre mille :

" Etre vivant, c’est garder la possibilité de mourir. Ce qui n’est pas vrai en sens inverse. C’est pourquoi il vaut mieux être vivant que mort " [2].

Mais à vrai dire, on ne rit pas souvent. A moins, bien sûr, d’être de ceux qu’amusent ses bonnes plaisanteries. Sur les femmes libérées par exemple :

" Avez-vous remarqué comme les ’femmes libres’ ont pourtant gardé cette caractéristique essentielle de la femme ’aliénée’ qui est d’arriver systématiquement en retard ? " [3].

Car Baudrillard est un homme. Un vrai. Qui parle souvent des femmes. Mais qui ne parle qu’aux hommes, aux vrais :

"Les signes par lesquels une femme vous séduit sont surtout ceux par lesquels elle vous enjoint de la séduire " [4].

Cette complicité masculine qu’il instaure d’emblée lui permet de laisser libre cours à ses fantasmes qui s’enchaînent dans la cohérence d’une vision du monde :

" Pour certaines femmes, nous ne les aimons pas comme nous le voudrions, ou comme elles le voudraient. Nous préférons les violer et les perdre " [5].

Les structures mentales de Baudrillard telles qu’on les voit s’exprimer dans les énoncés qui émaillent ses textes - et qui, en fait, en
constituent l’intégralité - sont façonnées par le sexisme et la misogynie les plus vulgaires et les plus triviaux. Son univers fantasmatique est organisé selon une stricte polarité des sexes, et des caractéristiques inhérentes (naturellement) à chacun d’eux :

" Tout dans la mode masculine, le corps, l’allure, la mise en scène, l’ ’aura du monde’, est largement féminisé. La mode est féminine, un point c’est tout. C’est la contrepartie du monde social et politique, où les femmes qui y figurent prennent toutes les traits du masculin. Le pouvoir est masculin, un point c’est tout " [6].

Ce masculinisme primaire le conduit à considérer que la société dans laquelle nous vivons n’est plus composée que de " travelos ", de " grandes folles ", d’ " hermaphrodites " ou de " féminoïdes " [7], tant elle s’acharne à ignorer les destinées naturelles à chaque sexe :

" Le corps sexué est livré aujourd’hui à une sorte de destin artificiel. Et ce destin artificiel, c’est la transsexualité. Transsexualité non pas au sens anatomique, mais au sens le plus général de travesti, de jeu sur la commutation des signes du sexe, et, par opposition au jeu antérieur de la différence sexuelle, de jeu de l’indifférence sexuelle,
indifférenciation des pôles sexuels" [8].

Hantise de l’effacement des attributs naturels à chaque sexe et obsession du déclin de la polarité sexuelle dont le spectre avait déjà été brandit dans les années 1920 par les écrivains les plus rétrogrades contre les garçonnes, ces monstres à cheveux courts et pantalons qui déniaient leur féminité, ce sont ici de bien vieux thèmes réactionnaires que Baudrillard remet au goût du jour. Comme le Lacan des années trente, comme aujourd’hui le tout-venant des imprécateurs professionnels, les Philippe Muray ou Alain Soral, dénonçant le règne des " gonzesses ", Baudrillard fustige ce que les psychiatres des années 1930 et toute la tradition d’hostilité au féminisme et à l’émancipation des femmes appelaient la " protestation virile de la femme " qui conduit à la dévirilisation générale de la société : " C’est la société tout entière qui se féminise à mesure que les femmes sortent de leur discrimination " [9], écrit-il dès 1976 dans L’échange symbolique et la mort. Et, bien entendu, Baudrillard pense que cette émasculation du monde engendre ces hybrides que sont les femmes virilisées et les hommes qui n’en sont plus vraiment :

" Dans l’illusion sexuelle de notre temps, il y a une sorte de justice immanente qui fait que, dans cette différence en trompe-l’œil, les deux sexes perdent tout autant leur singularité, leur différence culminant inexorablement dans l’indifférenciation. Le processus d’extrapolation du Même, de gémellisation des sexes [...] résulte en une assimilation progressive " [10].

Les écrits de Baudrillard charrient ses phobies. Et il y exprime sans discontinuer ce que lui inspirent ceux qui incarnent, à ses yeux, toutes les formes dégradées de vie qu’abrite l’espèce humaine : les homosexuels, les noirs, les Arabes, les handicapés, les séropositifs, les drogués - et la liste n’est pas limitative. * Mais Baudrillard veut jouer au
philosophe. Aussi s’efforce-t-il de déguiser les poncifs les plus éculés de la pensée réactionnaire en " concepts " (si l’on ose dire). Son système est fort simple : d’un coté il y a " l’altérité " - c’est bien - et de l’autre " la différence " - c’est mal. Voici identifié le drame de nos sociétés :

" tout s’ [y] parle (...) en termes de différence " [11].

A cette parole hégémonique de la " différence ", l’essayiste oppose " l’altérité " : " l’altérité n’est pas la différence. On peut même penser que c’est la différence qui tue l’altérité " [12]. Mais quelle est donc la différence entre la différence et l’altérité, au point que la première soit en mesure d’anéantir la seconde ? Voilà :

" Ce qui définit l’altérité n’est pas que deux termes ne soient pas identifiables, mais qu’ils ne soient pas opposables l’un à l’autre. L’altérité est du domaine des choses incomparables " [13].

En revanche, deux choses "différentes " sont comparables entre elles puisqu’elles sont nécessairement " différenciées à l’intérieur d’une même échelle de valeurs " [14]. Bref, l’altérité se fonde sur un " ordre immuable " [15] au sein duquel sont distinguées des essences qui n’ont aucun rapport entre elles, quand la différence intègre différentes entités dans une structure commune. Mais point n’est besoin d’entrer dans le détail de ce système vide. Ce serait perdre l’essentiel, à savoir qu’il n’est qu’une mise en forme pseudo-théorique des pulsions, des préjugés et des obsessions qui travaillent le cerveau de ce dénonciateur du monde moderne et des périls qui menacent l’avenir de la civilisation. Par exemple sur les femmes :

" Le Féminin et le Masculin sont deux termes incomparables, et, s’il n’y a pas au fond de différence sexuelle, c’est que les deux sexes ne sont pas opposables " [16].

Par conséquent :

" Vouloir désintriquer l’inextricable altérité du masculin et du féminin pour rendre chacun à sa spécificité et à sa différence est une absurdité. C’est pourtant celle de notre culture sexuelle de libération " [17].

Bref, l’altérité, c’est chacun à sa place dans une fusion des
complémentaires. Pour ceux qui n’auraient pas compris que le monsieur est hétérosexuel et n’imagine pas qu’on puisse ne pas l’être, sa définition sera riche d’enseignements : l’altérité, c’est " séduire ", " débaucher ", voire " violer " la femme-objet, celle sur laquelle on salive en voyant les affiches publicitaires. Tandis que la différence, c’est... horresco referens... l’émancipation et l’égalité. Reprenant à son compte, comme à son habitude, les schèmes classiques de la pensée réactionnaire, réactivés récemment contre le mariage homosexuel par des idéologues de droite comme de " gauche ", de Christine Boutin à Pierre Legendre, qui ont affirmé à la fois, de manière logiquement contradictoire mais politiquement cohérente, qu’il y a un ordre immuable qui ne peut pas être transformé mais qui doit néanmoins être défendu contre les revendications sociales et juridiques qui viendraient le mettre en question, Baudrillard considère que cette aspiration à la " différence ", contrairement à l’altérité, ne peut être qu’une " utopie " [18]. Mais cette " utopie " autorise l’émergence d’un " Nouvel Ordre Victimal " [19] :

" L’identité nouvelle est celle de la victime. Tout s’organise autour du sujet spolié, frustré, handicapé, et la stratégie victimale est celle de sa reconnaissance en tant que tel. Toute différence s’affirme sur le mode victimal de la récrimination (de la réparation d’un crime), les autres ne sont convoqués qu’à fin de reconnaissance " [20].

Le système de la différence, par conséquent, encourage une situation où chacun célèbre, dans le but se faire reconnaître, son " déficit, (...) son insignifiance personnelle " [21]. Et le petit blanc assuré de sa
supériorité (lui n’est pas insignifiant, et ce qu’il est ne connaît aucune déficience, puisqu’il incarne la plus haute réalisation de l’espèce humaine) de se gausser du " déficit " des autres, et surtout du fait qu’ils en soient fiers au point de le revendiquer.

Aussi fait-il sienne la dénonciation du " politiquement correct " qui fut lancée par les ultra-conservateurs américains et reprise par leurs sectateurs français (Furet) :

" Rachat, expiation, blanchissement, prophylaxie, promotion et
réhabilitation - on ne sait comment nommer toutes les nuances de cette commisération générale (...). C’est le ’politiquement correct’ dans tous ces effets, entreprise de blanchissement et de prophylaxie mentale, à commencer par celle du langage. Le Noir, le handicapé, l’aveugle et la prostituée deviennent colour people, disabled, malvoyant et sexworker : il faut qu’il soit blanchis comme l’argent sale " [22].

Et si Baudrillard s’offusque tant de cette politique de la langue c’est précisément parce qu’elle entend s’opposer aux représentations dominantes et stigmatisantes qu’ont dans la tête tous les Baudrillard de la terre, et qu’elle vise à empêcher ces Baudrillard d’exprimer quotidiennement leurs mépris et leurs injures. Qu’ils ne puissent plus le faire, en tous cas, sans apparaître pour ce qu’ils sont : " Nous nous gorgeons d’euphémismes " et, par conséquent " on ne traite même plus un handicapé de ’handicapé’ " [23].

Triste monde dans lequel on ne peut plus de " traiter " les handicapés de handicapés et les prostitués de putes. Phrase exemplaire où l’on voit que le " on " dont Baudrillard se fait le porte-parole n’inclut pas les handicapés. " On ", c’est les hommes, les hétérosexuels... mais pas tous. Il faut en outre n’être pas handicapés pour appartenir au club. Quant au " même plus ", est-il besoin de le commenter... Il indique que les
handicapés se situent au plus bas de l’échelle humaine (dont les
Baudrillard occupent le haut). Et dans quel monde vit-on si on n’a " même plus " le droit de le dire. Mais Baudrillard, à l’instar de ces courageux qui osent, malgré la " tyrannie des minorités ", énoncer tout ce que le sens commun trouve à opposer aux dissidents de toutes sortes, est un résistant. Il n’hésite pas à braver le " politiquement correct ", et à " traiter " les handicapés - et les autres - comme ils le méritent :

" La Tempête jouée par des mongoliens devant un parterre ultramondain de ministres et de stars. Fondation Kennedy. Tous les mongoliens
shakespeariens seront reçus demain par le pape. Flirt d’une société avec ses pires déchets " [24].

Ou encore :

" En toute logique, il y aurait lieu pour les débiles mentaux de
revendiquer un droit inaliénable à l’intelligence. La puissance publique se droit de remédier à cette cruelle inégalité. Mais il y a sans doute un espoir pour eux du côté de l’intelligence artificielle " [25].

Thomas Florian

Notes

[1] Thomas Florian, Bonjour Baudrillard, Editions Cavatines, 2005. Présentation de l’éditeur : "Est-il nécessaire de présenter ce petit livre ? de dire pourquoi il a été écrit ? de justifier ce geste de colère, de révolte contre le malentendu dont bénéficie jean Baudrillard, ce faux penseur, mais véritable idéologue, recyclant sous allure " radicale " tous les poncifs de la pensée réactionnaire et de la beauferie de bistrot ? Non. Ce serait plutôt à ceux qui encensent ce sinistre imposteur qu’il devrait incomber de se justifier. Et d’expliquer comment ils peuvent se retrouver dans ce qu’il écrit."

[2] Cool Memories IV, Paris, Galilée, 2000, p 83.

[3] Ibid., p 61. Dans toutes les citations, c’est moi qui souligne.

[4] Ibid., p 66.

[5] Cool Memories, op.cit., p 243

[6] Cool Memories IV., op.cit., P 120

[7] Cool Memories, op.cit., p 185.

[8] La transparence du mal, Paris, Galilée, 1990, p 28, souligné dans le texte.

[9] L’échange symbolique et la mort, Paris, Gallimard, 1976, p 148.

[10] Le crime parfait, Paris, Galilée, 1995, p 163-164

[11] La transparence du Mal, op.cit., p 131

[12] Ibid

[13] Le crime parfait, op.cit., p 170-171

[14] La transparence du Mal, op.cit., p 132

[15] Ibid

[16] Le crime parfait, op.cit ., p 170

[17] Ibid., p 162

[18] La transparence du Mal, op.cit., p 132

[19] Le crime parfait, , op.cit., p 181

[20] Ibid., p 189-190

[21] Ibid., p 191

[22] Ibid., P 191

[23] La transparence du mal, op.cit., p 89

[24] Cool Memories, op.cit., p 283. C’est moi qui souligne.

[25] Cool Memories IV, op.cit., p 134


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