Arrivés deux heures avant le début de la manifestation, nous avons eu d’abord l’occasion de visiter la ville de Rostock. Typique de l’Allemagne de l’Est, c’est une ville portuaire et industrielle située dans le grand nord de l’Allemagne. Ce jour là, sans doute différent de tous les autres, le temps était à l’orage et loin des milliers de manifestants, tout y était bien morne.
Vers 14 heures, les milliers de manifestants se massaient aux abords de la gare centrale (hauptbanhof), puis se sont ébranlés peu après vers les quais de Warnowufer. Sur le trajet, aucun incident. La tête du cortège était tenu par tous les altermondialistes, pacifistes, féministes, touristes et autres modérés, à grand renfort de batoucada et de musique, de banderoles colorées et de pantins à l’effigie caricaturée de nos dirigeants. La Clown Army et le reste du Pink Block étaient naturellement de la fête, prompts à ridiculiser comme il se doit nos amis flics du "green bloc" : avec leurs cuirasses vertes et leurs uniformes kaki, on aurait cru voir une prolifération de tortues ninja génétiquement modifiées. Alors évidemment, sachant qu’ils étaient près de 19000 sur la région, on peut aisément se représenter les rues de Rostock. VERTES DE CHEZ VERTES ! Des centaines de fourgonettes stoppées le long des avenues...
On s’est déplacé vers la queue du cortège où, avec tout l’effet que cela peut produire, défilait le Black Bloc : 4000 à 5000 militants vêtus et cagoulés intégralement de noir, derrière les banderoles et les drapeaux de la Antifasciste Aktion.
Le déplacement vers les quais s’est fait sans heurts, sans incident, si ce n’est des sifflets et quelques projectiles à l’encontre d’une farandole de tortues ninja qui très subtilement s’est placée le long du Black Bloc.
Puis nous sommes arrivés tous sur les quais. Aah cette foule bigarée et contestataires ! Toute cette masse de gens critiques à l’égard d’un système dévastateur, conscients de ce que le futur nous réserve, les têtes pleines d’idées progressistes et d’espoirs, de vitalité intellectuelle et constructive, et aussi de colère, de révolte...Il n’y a pas à dire, dans ce cadre on se sent revivre. Ca change des transports en commun de nos villes où se meuvent docilement des milliers de gens passifs et acceptants, voire de réformistes crédules.
Lorsque tout le monde est parvenu devant les scènes criardes mises en place avec la bénédiction des autorités, consensus entre les dominants et l’élite bureaucratique de la contestation modérée (mais bien sympa quand même !), ça n’a évidemment pas manqué d’exploser vers l’avant du cortège où, des deux côtés, les provocations n’ont pas tardé à laisser place à la violence. A partir de là, ce sont quelques longues heures de combats, de jets de pierres contre jets de lacrymo, de coups de batons contre coups de matraques, d’insultes contre provocations... Et finalement, cela vous étonnera peut-être, mais ce sont les policiers qui ont mené la contestation : ils ont manifesté leur colère au milieu de la foule bigarée, donnant de la matraque et des poings, complètement au hasard et sans discernement, revenant même provoquer la foule alors que tout semblait pacifié à un moment donné.
Cette ultime boutade a alors entraîné la réaction de tous les manifestants confondus, repoussant les tortues ninja en blocs soudés, scandant avec virulence "Haut ap ! Haut ap !" (allez vous en !) en n’hésitant pas à les pousser physiquement, puis par endroit à les attaquer de front, avec des batons...
A dire vrai, il y avait plusieurs fronts, sans compter les troupes de ninja évoluant en plein milieu de la foule, tentant sans doute,en vain, de disperser tout le monde. Les camions lance-eau sont arrivés, accompagnés de voitures blindées, et ont craché leur liquide ragoutant sur les manifestants.
Ca a mis encore quelques heures à se calmer, beaucoup de manifestants ayant décidé de danser et de pogoter au pied des rangées de flics dépités, avant de rejoindre la scène. Les Black Bloc se sont peu à peu dispersés, ayant ôté leur masques. Le temps est arrivé de compter les blessés. Si on a appris par les journeaux le nombre de blessés chez les policiers (150), on ignore encore celui des manifestants, mais je sais qu’il y en a bien plus que ça...
Dans la nuit, des trains remplis à ras-bord se sont vidés dans le patelin où se trouvait le camp, Reddelich à 10km de Rostock. Là, tout est organisé de façon autogérée. Tout est prévu, info avec moults panneaux d’affichages sur tout ce qui a lieu dans la région, repas sur de grandes tables, sanitaires à ciel ouvert, tentes de repos, tentes de discussion, de débats, tentes d’assistance médicale... et une ambiance qui vaut le voyage !
Le lendemain, une escursion en tout petit comité près de la zone rouge nous a jeté nez à nez avec le dispositif martial que vous pouvez imaginer autour d’un hotel où doivent se réunir les 8 maîtres du monde...
Malheureusement, nous avons dû reprendre le train pour rentrer, mais pour ceux que ça intéresse, ne manquez surtout pas les journées de jeudi et vendredi : au programme, c’est tentative de blocage des infrastructures du G8. Ca promet ! Pour ceux qui y vont, juste un conseil : laissez chez vous le "matériel de guerre", les ninja fouillent absolument tout le monde à la gare de Rostock. Pour être tranquille, il vaut mieux sortir à la gare de Bad Doberan pour aller au camp de Reddelich avant de passer par Rostock !
Ci-joint quelques images...
Les vidéos seront bientôt sur :
http://www.youtube.com/profile_videos?user=Eunous00