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Raison de la mise en attente :
Reconnaître le retour du religieux, une parole impossible à gauche ?
envoyé le 07/01/22 par Un billet de Christian Beuvain et Jean-Guillaume Lanuque Mots-clés  religions & mysticisme  

Reconnaître le retour du religieux, une parole impossible à gauche ? A propos de Jean Birnbaum, Un Silence religieux. La gauche face au djihadisme, Paris, éditions du Seuil, 2016, 240 pages

De Birnbaum, nous avions chroniqué en leur temps Leur Jeunesse et la nôtre. L’espérance révolutionnaire au fil des générations1, et Les Maoccidents. Un néoconservatisme à la française2. Dans ce nouvel essai, divisé en six chapitres, avec introduction et conclusion, il saisit à bras le corps un phénomène assourdissant, c’est-à-dire le silence (le déni, le refoulement, le mutisme), produit par la gauche et l’extrême gauche quant à la nature religieuse des offensives djihadistes de 2015 en France, révélateur selon lui d’une absence de prise en compte spécifique du « fait spirituel » (p. 37) ainsi que du pouvoir de mobilisation de la religion. En l’espèce, ici, l’islam.


I– Rien à voir avec l’islam ?

* a – L’introduction et son premier chapitre posent les termes du débat. Tout à leur souci de ne pas instrumentaliser l’événement, de ne pas « faire le jeu » des extrêmes droites, les gauches (des sommets de l’État jusqu’à la majorité des organisations ou des intellectuels), ont répété à l’envie, quoique sur des gammes différentes, l’antienne lancée par le ministre Laurent Fabius : « ça n’a rien à voir avec l’islam  » (p. 13)3. Ainsi, peu importait que les frères Kouachi soient venus « venger le prophète » ou que Amedy Coulibaly ait prévenu : « Il faut qu’ils arrêtent (…) de dévoiler nos femmes. » (p. 14). Ce phénomène occulté, cette impasse faite sur la vision du monde religieuse des tueurs de « Janvier 2015 »4 – vision qu’eux-mêmes, d’ailleurs, ne taisent nullement et pour cause, ayant décidé de consacrer dorénavant leur temps sur terre à l’obédience – Jean Birnbaum cherche à la fois à en retracer les origines (du côté du marxisme et du mouvement socialiste au sens large) et à « dégager des constantes », à « exhumer la permanence avec laquelle les hommes et les femmes (…) de la gauche (…) se sont obstinés à refouler l’efficace propre à la religion. » (p. 39). Il procède par coups de sonde, en « privilégiant des moments emblématiques » (engagement pro-FLN, révolution iranienne) ou des analyses fondatrices (Le Prophète et le Prolétariat de Chris Harman) qui, selon lui, ont préparé ce « silence religieux », qui donne son titre au livre.

* b – Puisque à l’évidence islam il y a, l’étude de Jean Birnbaum débute par un chapitre consacré à « la guerre [intestine] qui déchire l’islam » (p. 43), phénomène diagnostiqué par des auteurs comme Fethi Banslama (La Guerre des subjectivités en islam, Lignes, 2014)5 ou éprouvé dans leur chair par des réformateurs musulmans, comme Mahmoud Mohamed Taha, pendu au Soudan pour apostasie en janvier 1985 (p. 48). Au déplacement de l’opposition djihadisme / islam, il préfère la tension séculaire entre islam légalitaire, doctrinaire et rigoriste, dominant dans les pays à majorité arabe6, et islam spirituel, possédant une lecture symbolique. C’est ce dernier islam et cette lecture là qu’il faudrait à ses yeux encourager, car propice à une pluralité de lectures du Coran. Pourtant, ce qu’il envisage comme un humanisme musulman, et qu’il dit tenir des leçons du philosophe Christian Jambet, dont ce livre porte d’une certaine façon la marque (p. 44-45), n’en conserverait pas moins des règles précises, un credo contraignant, à moins d’imaginer à terme une foi musulman aussi souple que celle de bien des chrétiens laïcisés… Une sécularisation aboutie, en somme.

II – Des anti-colonialistes aveugles ?

La plongée dans l’histoire qui s’ensuit heurte de front un des héritages, une des facettes plutôt, du mouvement ouvrier et révolutionnaire. Jean Birnbaum évoque en effet la guerre d’Algérie et l’activisme anti-colonialiste des années cinquante et soixante. S’appuyant sur les ouvrages de Monique Gadant (Islam et nationalisme en Algérie), Fanny Colonna (Les Versets de l’invincibilité) ou Catherine Simon (Algérie, les Années pieds-rouges7) il met en cause la sous-estimation, de la part des militants d’alors (chrétiens de gauche, communistes dissidents, trotskystes, futurs « pieds rouges ») d’une des dimensions du FLN, la religieuse. Ce raisonnement, placé ultérieurement en position de symétrie avec la révolution iranienne, fait pourtant fi de toute contextualisation approfondie : on ne peut clairement comparer la solidarité manifestée avec le FLN – même si des critiques sévères pouvaient être avancées à l’encontre de ce soutien – dans une période d’essor des luttes coloniales et des idées progressistes, avec la fin des années 1970, marquée elle par un recul du souffle révolutionnaire et le début d’une restauration de l’ancien. Le constat, exact au demeurant, d’une empreinte du religieux sur les combattants du FLN aurait également gagné à prendre en compte les divisions au sein du mouvement indépendantiste (MNA8/FLN d’un côté et ALN des wilayas9/Fédération de France du FLN10 de l’autre) sans sous-estimer la dimension, au moins en partie, socialiste et autogestionnaire de l’Algérie indépendante des premières années, ni surinterpréter certaines données. Le Ben Bella de 1980, défenseur de l’islam, n’est pas totalement le même que celui du début des années 1960 ; quant à Messali Hadj, le fait qu’il endosse l’image du pratiquant musulman s’accompagne d’un ancrage de son organisation dans certains fondamentaux du mouvement ouvrier11. Jean Birnbaum, cependant, fait l’impasse sur d’autres secteurs révolutionnaires anti-colonialistes, comme les libertaires ou l’Internationale situationniste (IS), qui, passant outre le fameux syndrome « il ne faut pas désespérer … », dénoncèrent cette présence inquiétante de l’islam, soit pendant la guerre d’Algérie soit dans les débuts de l’Indépendance. Dans son texte diffusé clandestinement à Alger, « Adresse aux révolutionnaires d’Algérie et de tous les pays », à la suite du putsch du colonel Boumédiènne en juin 1965, l’IS écrit que le mouvement qui entraîne les peuples arabes vers le socialisme, s’il veut réussir, « doit en finir avec l’Islam, force contre-révolutionnaire manifeste, comme toutes les idéologie religieuses ». A la fin du texte se trouve un salut aux « camarades qui, en 1959, dans les rues de Bagdad, ont brûlé le Coran ! »12, allusion aux manifestations violentes organisées par les communistes irakiens pendant le régime républicain du général Kassem. Le «  point aveugle de l’engagement anti-colonialiste » repéré par Jean Birnbaum (p. 70) n’a donc pas touché uniment, à cette époque, tous les courants des gauches révolutionnaires.

Sur l’Iran et l’arrivée au pouvoir des ayatollahs, Jean Birnbaum utilise principalement les analyses de Michel Foucault, qui s’était rendu sur place à la fin de 1978, et les réhabilite, y percevant une vision pertinente et critique du retour du religieux, d’une « spiritualité politique », selon lui13. Sa mise en cause de la tendance à plaquer sur les événements persans une grille de lecture trop occidentale, tributaire des révolutions antérieures, aurait par contre été plus efficiente si appuyée sur des exemples précis d’analystes contemporains. Surtout, ce qui manque à ce chapitre, de nouveau, c’est une mise en perspective suffisamment ample, permettant d’apporter des explications sur l’essor de l’islamisme, puisque Jean Birnbaum réfute l’idée selon laquelle les masses populaires se tournent vers l’islam « faute de mieux » (p. 109).

III – Du marxisme et de ses héritier-e-s

Jean Birnbaum effectue ensuite un retour sur Marx et la construction progressive de sa critique religieuse, et bien que certaines références récentes soient absentes14, son exposé est relativement complet et pertinent. Néanmoins, avancer l’idée de la centralité de la religion dans l’œuvre de Marx (« la religion comme hantise marxiste », p. 133), analyse pour laquelle l’auteur suit en grande partie Jacques Derrida, demeure un point très discutable. Par contre, indéniablement, tout bon connaisseur de la praxis marxiste sait très bien que pour Marx, Engels d’abord, Lénine, Trotsky, Rosa Luxembourg, etc. ensuite, la seule lutte anticléricale pour « chasser l’infâme  » est perçue comme une diversion pour éluder la question sociale et donc détourner le prolétariat de ses véritables objectifs, la destruction des rapports de production capitalistes. Mais ce n’est là que la première partie de la proposition concernant leur attitude face à la religion. Car il ne s’agit pas d’un refus de tout anticléricalisme mais seulement d’un anticléricalisme déconnecté de la lutte de classes15. Néanmoins, Jean Birnbaum a raison de rappeler également que, pour ces mêmes marxistes, l’influence des « illusions  » religieuses cessera uniquement quand une humanité communiste aura définitivement balayé la société capitaliste (p. 138-139). Pendant toute la période de la préhistoire16 de nos sociétés précédant ce dénouement, peuvent alterner moments de recul ou de réveil de ces « illusions ». Prend alors un sens actuel, selon l’auteur, la formule du jeune Marx : « la critique de la religion est la condition première de toute critique »17 (p. 139), formule souvent reprise par des courants révolutionnaires passés et actuels, mais totalement occultée, depuis bientôt vingt ans, par des organisations de la gauche dite « radicale », dont certains héritiers trotskystes (quoique s’en réclamant de moins en moins18, du moins en France) de Marx.

IV – Le Prophète et le prolétariat

Sur ces positions, la brochure du britannique Chris Harman, Le Prophète et le prolétariat (1994), qui a beaucoup circulé, et qui est emblématique d’une position visant à construire des alliances anti-impérialistes entre révolutionnaires et islamistes, a droit à une analyse aussi détaillée que nuancée, utilement replacée dans son contexte, le Royaume-Uni du début des années 1990. Pourtant, bien que les islamistes représentent pour ce dirigeant du SWP [Socialist Workers Party] des « révoltés petits-bourgeois utopistes » avec qui il est possible et même souhaitable de faire une sorte de « front commun » contre le capitalisme et les puissances impérialistes (p. 151-153), il n’oublie pas de préciser que, de toutes façons, c’est la gauche ouvrière et révolutionnaire qui finira par triompher, puisqu’en gardant intacte son indépendance idéologique et « en imposant une direction ouvrière dans les luttes », elle ramènera logiquement à elles les masses « provisoirement séduites par le radicalisme musulman. » (p. 154). Las ! Il peut sembler étonnant qu’un militant marxiste ne se soit pas rendu compte que l’époque où il prophétisait un tel dénouement soit celle de la prépondérance et de l’expansion idéologique, sociale et politique de l’islam et de l’intégrisme islamique (décryptée pourtant par d’autres intellectuels marxistes comme Samir Amin ou Gilbert Achcar, dont la position est estimée nettement plus prudente et lucide19par Jean Birnbaum), et qu’elle était donc vouée à l’échec. D’autre part, comment ne pas évoquer, comme un très lointain écho, l’explication par Albert Treint, un des responsables du jeune Parti communiste français, de la tactique du « front unique » avec les socialistes, en 1922 : une habile manœuvre « permettant de dépouiller » la SFIO de ses adhérents comme « on plume une volaille »20 ? Si à l’époque, la « volaille socialiste » refusa de se laisser plumer, les communistes continuèrent, bon an mal an, à représenter un espoir d’émancipation pour les exploités. Le même scénario s’est reproduit, à un détail près – qui depuis conditionne les associations ou les alliances des progressistes avec les islamistes – que là c’est l’islamisme qui en a profité pour assurer son essor, durable, en faisant vaciller les organisations trotskystes, par exemple le NPA en France. Ce dernier, espérant s’implanter parmi des populations immigrées ou issues des émigrations, influencé par des courants du parti se positionnant sur les bases posées par Chris Harman (mais quinze ans plus tard, et avec les conséquences que l’on connaît), en vient à considérer « le voile islamique comme un outil de résistance » (p. 163). Jean Birnbaum évoque à cet effet quelques épisodes insolites, à l’appui de sa démonstration, comme de voir « des militants trotskystes se quereller (…) sur la signification de tel ou tel verset du Coran …  » (p. 161), ou de voir d’autres militants, anciens membres du NPA proches de la candidate voilée Ilham Moussaïd (2010), « désormais vêtus de djellaba et investis dans la lutte contre la « théorie du genre » et le « mariage homosexuel » … » (p. 167), malheureusement sans donner ses sources. L’auteur sait également reconnaître les oppositions internes qui se manifestent assez vite (malgré les soutiens affichés à la candidate par les leaders comme Olivier Besancenot ou Samuel Johsua), de la part de militants comme Jacques Fortin (qui a communiqué ses éclaircissements sur cette crise à l’auteur) ou un des leaders historiques de la LCR, Pierre Rousset. Celui-ci écrit : « Ilham et Abdel [Zahiri, un de ses proches] ont donné raison à nos contradicteurs en déclarant que la burqa ne posait aucun problème pour peu qu’elle soit librement portée. » (p. 167)

L’ insistance de Jean Birnbaum sur le raisonnement trotskyste autour de l’ennemi principal (l’impérialisme et la domination bourgeoise plutôt que l’islamisme) est selon nous pertinente, tant les repositionnements actuellement en cours en sont tributaires (l’islamisme est-il devenu l’ennemi principal ? Comment assumer une position de lutte contre lui et contre les puissances impérialistes ? etc…), et il en est de même pour sa critique d’une appréhension, par les gauches françaises – disons plutôt certaines d’entre elles –, du phénomène religieux cantonné à l’échelle nationale, comme symbole d’une oppression raciste (la fameuse « islamophobie »), sans suffisamment tenir compte de sa nature internationale, mondiale.

Toutefois, sur ces questions des liens entre organisations islamistes radicales et extrême gauche, les faits évoqués le sont trop brièvement, isolés, incapables de suppléer à une étude plus large de cette problématique, qui doit embrasser aussi bien la politique concrète des bolcheviques entre 1917 et la fin des années vingt en Asie centrale21, que les positionnements d’autres courants, cercles et revues des extrêmes gauches actuelles : quid de Lutte ouvrière, des différentes familles libertaires, des ultra gauches, etc. ?

V – Un djihadisme universel ?

La dernière partie de Un Silence religieux est consacrée à l’analyse du phénomène djihadiste autour de l’État islamique, à travers une comparaison pouvant sembler de prime abord provocante voire provocatrice, entre les combattants djihadistes quittant l’Europe et les combattants internationalistes partis au secours des républicains espagnols, dans les Brigades internationales22. Car au-delà de similitudes superficielles, Jean Birnbaum indique bien que les djihadistes, contrairement aux brigadistes d’antan, sont totalement dépourvus d’une véritable culture militante collective. C’est également oublier que la solidarité avec l’Espagne était intrinsèquement associée avec l’espoir d’une vie meilleure, était liée à un anti-fascisme prononcé et que la guerre n’était ni un épanouissement en soi ni l’ultime étape vers le statut de martyr, mais un pis-aller imposé par les circonstances (se défendre face à un coup d’État militaire). De plus, la vision du monde des djihadistes est aux antipodes de celle des révolutionnaires (libertaires, communistes staliniens, communistes trotskystes, anarcho-syndicalistes, socialistes de gauche) qui franchirent les Pyrénées dès juillet 1936. Ceux-là «  montaient à l’assaut du ciel », espérant forcer la main de l’Histoire pour construire une société plus juste et plus humaine, sans l’ « esclavage salarié ». Alors que ceux-ci, traditionalistes, rigoristes, intégristes religieux, ne veulent absolument pas introduire du désordre dans le monde mais restaurer un ordre ancien, le Califat des premiers temps de l’islam. Révolution d’un côté, Restauration de l’autre. En ce sens – même si Jean Birnbaum ou d’autres essayistes ne l’ont guère remarqué – les djihadistes s’apparenteraient plutôt aux extrémistes de droite (Russes blancs, Irlandais, Français, etc.) partis combattre aux côtés des franquistes, comme les centaines de Français de la Bandera Jeanne d’Arc, par exemple. D’autant plus qu’il existe, même si ce phénomène est pour l’heure ultra-minoritaire, des étrangers (quelques Français se disant communistes23, des Kurdes de Turquie, des Turcs d’une organisation anarchiste, etc.) partis combattre l’État islamique. Dès lors, plutôt que de faire pièce à une forme d’espérance messianique, évoquée par l’auteur, il nous semble plus approprié d’évoquer une désespérance, qui va parfaitement dans le sens de l’éloge de la mort sur lequel insiste très bien Jean Birnbaum24, ainsi qu’une restauration, thème d’ailleurs récurrent de la propagande djihadiste : « (…) votre histoire n’est pas la nôtre, d’ailleurs nous n’avons pas d’histoire (…), il n’y a rien à inventer, il suffit de se retourner, de restaurer. » (p. 210).

VI – En guise de conclusion

Si l’on veut synthétiser la problématique de Jean Birnbaum, véritable « fil rouge » qui traverse les différentes études de cas qu’il nous propose dans son essai, elle s’exprime par cette formule : « Mettre les religions entre parenthèses, voilà une pratique coutumière dans l’histoire de la gauche » qui n’a transmis qu’ « un épais silence », fruit d’un « interminable refoulement » (p. 168, 218). Ce constat est erroné, qui fait fi des luttes et des propagandes anticléricales (écrites mais surtout iconographiques) conduites par les organisations socialistes, libre penseurs25, libertaires puis ensuite communistes, de la fin du XIXe aux premières décennies du XXe siècles26, qui n’ont jamais considéré que l’influence de la religion et de l’Église devait être mise entre parenthèses. Des deux acceptations existantes du vocable « refoulement », Jean Birnbaum en retient seulement une (qui conforte sa thèse), la mise à l’écart d’un problème, sa récusation, soit parce qu’il gêne soit parce qu’il disparaîtra, un jour, de lui-même. La seconde, pourtant, qui signifie repousser l’assaut de l’ennemi, le faire reculer, le mettre et le tenir à distance et affaiblir son efficace – qui fut celle des forces politiques citées ci-avant – est elle-même victime d’un silence, mais de l’auteur, cette fois-ci, ce qui est contradictoire avec d’autres passages de son livre.

Néanmoins, bien qu’il souffre de ce manque d’approfondissement sur des analyses primordiales pour toutes les gauches, Un Silence religieux vaut malgré tout, d’abord par ses questions dérangeantes, pour ces dernières, « fracturée[s] par le retour du religieux »27), et ensuite par quelques rappels et pistes de réflexion fort utiles en ce moment. Pour Jean Birnbaum, « si la révolution s’absente, la religion reprend toute sa place ; si l’émancipation manque à ses promesses, l’absolu se cherche un autre nom. » (p. 221). L’historien ne peut que constater ces fractures, lignes de failles profondes, qui s’élargissent insensiblement au fil des mois, ces absences et ces éloignements de filiations historiques qui caractérisent actuellement les gauches dans leur rapport au religieux islamique, même si, concomitamment, émergent des résistances, ainsi que des rappels aux fondamentaux.

- NOTES -

1Chroniqué sur notre ancien site.

2Dans le volume 8 de Dissidences, « Prochinois et maoïsmes en France (et dans les espaces francophones) », mai 2010, p.185-186 (Jean-Guillaume Lanuque et Vincent Chambarlhac).

3Après le carnage du 13 novembre 2015 à Paris, Jean-Luc Mélenchon répète mot pour mot cette assertion : « l’islam n’a rien à voir avec cela » (p. 42).

4Ainsi Pascal Ory décide-t-il de nommer les tueries des 7-8-9 janvier 2015, dans son livre Ce que dit Charlie, Gallimard/le débat, 2016, chroniqué prochainement dans ce dossier du blog.

5Sur cet auteur, lire le compte rendu du livre qu’il coordonne, L’Idéal et la cruauté, Lignes, 2015, dans le dossier de ce blog : http://dissidences.hypotheses.org/7459

6Curieusement, si Jean Birnbaum évoque longuement l’université Al-Azhar du Caire, la plus haute instance de référence de l’islam sunnite, connue pour ses prises de position ultra-réactionnaires, il ne traite absolument pas du cas de l’Arabie saoudite, où s’est pourtant développé le wahhabisme, doctrine rigoriste d’un retour aux sources de l’islam, qui refuse donc logiquement toute innovation. Du wahhabisme sont proches les théories et les pratiques des salafismes (de prédication et de djihad) et la doctrine des Frères musulmans.

7Chroniqué dans notre revue électronique : https://revuesshs.u-bourgogne.fr/dissidences/document.php?id=1584

8Le MNA était le Mouvement national algérien de Messali Hadj. Une lutte féroce, y compris en France, eut lieu entre les deux organisations, au profit du FLN. Cette histoire tragique et sanglante est racontée dans un film déjà ancien, de Okacha Touita, Les Sacrifiés, 1983.

9Les wilayas, six au total, étaient des régions militaires de l’Armée de libération nationale (ALN).

10La Fédération de France du FLN était la septième wilaya, et conduisait la lutte en France.

11) Sur ce sujet, voir les travaux de "Jacques Simon", à croiser avec d’autres.

12) « Adresse aux révolutionnaires d’Algérie et de tous les pays », Internationale situationniste, n° 10, mars 1966, p. 47-48, et sur https://www.infokiosques.net/lire.php?id_article=107

13) Même si un des axes du raisonnement foucaldien, l’espérance d’une conversion individuelle chez les révoltés iraniens, s’inscrit finalement dans la nature profonde des révolutions. Que l’on lise cette phrase de Jean Birnbaum, commentant Foucault, applicable en l’état à la Révolution française ou à la Révolution russe : «  Mais en définitive, ce qui galvanise chaque émeutier, ce qui lui donne sa force et son prodigieux courage, c’est la perspective d’une métamorphose intime et d’un profond changement dans le rapport que chacun entretient avec lui-même, avec le monde, avec la vie. » (p. 112).

14) Citons en particulier le livre du philosophe marxiste -Yvon Quiniou-, Critique de la religion, chroniqué sur notre blog : https://dissidences.hypotheses.org/6394

15) Lire de Christian Beuvain « Dessiner la « prêtraille » ? De la caricature communiste anticléricale dans L’Humanité des années vingt », dans les Actes du colloque Coups de crayons sous la Troisième République (Beaune, 15-16 avril 2015), Le murmure éditeur (à paraître).

16) Karl Marx utilise cette expression pour qualifier les rapports de production qui se sont succédés, dans sa préface à la Critique de l’économie politique (1859), consultable sur https://www.marxists.org/francais/marx/works/1859/01/km18590100b.htm

17) Karl Marx, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, 1843, consultable sur https://www.marxists.org/francais/marx/works/1843/00/km18430000.htm

18) Lire par exemple l’ouvrage de Johsua Florence, Anticapitalistes. Une sociologie historique de l’engagement, Paris, La Découverte, 2015, ou celui d’ Olivier Besancenot, Petit dictionnaire de la fausse monnaie politique, Paris, Cherche midi, 2016, tous deux chroniqués prochainement sur ce blog.

19) Sur Gilbert Achcar, voir son récent recueil d’articles Marxisme, orientalisme, cosmopolitisme, chroniqué sur notre blog : http://dissidences.hypotheses.org/6483

20) Cette tactique est évoquée par Albert Treint à une conférence extraordinaire des secrétaires fédéraux, à Paris, le 22 janvier 1922. Elle est expliquée de nouveau dans un article du Bulletin communiste du 22 avril 1922.

21) Il n’existe, en français, aucune étude historique sur la longue durée de la lutte contre l’islam par les bolcheviques dans les territoires musulmans d’Asie centrale, pas plus d’ailleurs que sur les propagandes et les actions anticléricales et antireligieuses du pouvoir soviétique.

22) Notons au passage que les premiers combattants étrangers internationalistes sont plutôt des libertaires, qui se retrouvent dans la colonne Durruti.

23) Lire un témoignage sur https://news.vice.com/fr/article/entretien-avec-un-jeune-communiste-francais-parti-lutter-pour-la-revolution-au-kurdistan-syrien-et-contre-lei

24 ) On ne peut par ailleurs qu’être en total désaccord avec son affirmation qualifiant l’État islamique d’anticapitaliste (p. 199-200). Daech ne s’est jamais présenté comme tel, d’autant plus que ce type de vocabulaire n’est pas le sien.

25) Jacqueline Lalouette, « Iconoclastie et caricature dans le combat libre-penseur et anticlérical (1879-1914) », in Stéphane Michaud, Jean-Yves Mollier, Nicole Savy (dir.), Usages de l’image au XIXe siècle, Pris, Créaphis, 1992, p. 51-62.

26 ) Jacqueline Lalouette, « Communisme et Libre Pensée durant l’entre-deux-guerres : L’Union des libres penseurs prolétariens de France et l’Association des Travailleurs sans Dieu  », in Jacques Girault (dir.), Des communistes en France (années 1920-années 1960), Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 423-440, et Christian Beuvain « Dessiner la « prêtraille » ? De la caricature communiste anticléricale dans L’Humanité des années vingt », op. cit.(à paraître).

27) Nicolas Truong, « La gauche fracturée par le retour du religieux  », Le Monde, « Débats », 8 mai 2015, p. 12.


envoyé le 7 janvier 2022  par Un billet de Christian Beuvain et Jean-Guillaume Lanuque  Alerter le collectif de modération à propos de la publication de cet article. Imprimer l'article
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