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Raison de la mise en attente :
« — Est-ce qu’il remplit la norme ? »
envoyé le 28/01/22 Mots-clés  répression policière  

L’activité débordante du N.K.V.D. atteignit alors [1937], sur l’ordre de Staline, son point culminant. Iejov, successeur de Yagoda, avec la collaboration du Procureur Général de l’U.R.S.S. (à l’époque : Vychinsky), jeta des millions d’hommes et de femmes dans des milliers de prisons.

L’élite des intellectuels russes fut anéantie entre 1937 et 1939. Tous ceux qui étaient capables de penser par eux-mêmes, tous ceux qui savaient encore ce que le mot socialisme signifiait réellement, qui voulaient réaliser cet idéal, tous ceux qui ne se contentaient pas d’une caricature de la liberté, ne perdirent pas seulement toute influence : ils furent liquidés.

Le Code pénal fut renforcé. Jusqu’en 1937, la peine privative de liberté ne pouvait dépasser dix ans : elle fut portée à vingt-cing ans. La peine de mort fut maintenue (1). On cessa de libérer préventivement les prisonniers dont le rendement au travail était excellent, comme on l’avait fait jusqu’alors. Le traitement, le ravitaillement et l’habillement des prisonniers empirèrent d’une façon indicible.

Garanine, digne compagnon du meneur de jeu de Moscou, fut nommé à Kolyma en 1938, à la place de Bersine. Aujourd’hui encore, les prisonniers pâlissent en entendant son nom.

La « population » de Kolyma augmenta de façon inouïe. Chaque année plus de cent mille prisonniers y furent transférés, pour la plupart, cette fois, des éléments « contre-révolutionnaires », c’est-à-dire des hommes dont la majeure partie n’était pas habituée au travail physique.

Des savants, des artistes, des militants politiques, des pédagogues, des directeurs d’entreprises industrielles ou commerciales, des fonctionnaires, effectuaient tous les matins le trajet de la misère vers les mines d’or.

Garanine prit dans ses mains meurtrières la charge de liquider des milliers d’intellectuels. Désormais, il n’y eut plus de fourrures pour les prisonniers. Les vestes et les pantalons molletonnés, qui ne tardaient pas à se déchirer et à se fendre sur leur maigre détenteur, formèrent tout l’habillement. Les bottes de feutre furent remplacées par des espèces de chaussures à base de toile de lin et il n’y eut bientôt plus un travailleur des mines d’or qui n’eût les pieds gelés. Mais, comme dit le proverbe russe : « Celui qui est en train de perdre la tête ne pleure pas après ses cheveux », et là, la tête était vraiment en jeu. Le pain constituait l’élément essentiel des lamentables rations de famine, pauvres en corps gras, des prisonniers. Mais, dans tous les camps, la quantité de pain était proportionnelle à la quantité de travail fourni. Suivant l’accomplissement, le moindre accomplissement ou le dépassement de la norme de travail, on recevait une plus ou moins grande quantité de pain. Le rendement était mesuré par des « brigadiers » (chefs d’équipe) libres ou par des criminels qui étaient par préférence placés à cet emploi. La coutume générale des brigadiers est d’inscrire à l’actif des criminels une norme supérieure que l’on soustrait du compte des contre-révolutionnaires. Les brigadiers sont soudoyés par les criminels, tandis que les contre-révolutionnaires n’ont pas le moyen de le faire. Même avec des comptes correctement tenus, la somme de travail exigée dépassait les capacités physiques d’un homme peu habitué au travail manuel, si bien que la norme était difficile à atteindre. On ne tardait pas à se trouver dans un cercle vicieux. Dès l’instant que le travail n’était pas fourni à 100 %, on ne recevait pas une ration de pain complète. Un corps sous-alimenté est encore moins en mesure de fournir le travail demandé, d’où une diminution correspondante de la ration de pain. Si bien qu’à la fin, la faiblesse devient telle qu’il faut vous pousser à coup de crosse du camp aux mines. Au fond du puits, on est trop faible pour charger le chariot, trop faible pour le pousser, trop faible pour manier le marteau pneumatique, trop faible pour se défendre lorsque un droit commun vous enlève d’un coup de poing en plein visage le morceau de pain qui doit faire toute la journée. On emploie ses dernières forces à découvrir un coin caché où l’on échappera aux imprécations des sentinelles, aux poings nus du brigadier, à son pressant « Davaï, davaï » (allez, allez), jusqu’au moment où le froid glacial vous apportera charitablement la seule chose à laquelle vous aspirez encore : le repos, le sommeil, la mort.

Garanine trouvait cependant que cette façon de liquider « les ennemis du peuple » n’était ni assez radicale ni assez rapide. Il se rendait lui-même de camp en camp et se faisait remettre la liste des contre-révolutionnaires. Dès qu’il tombait sur un nom marqué d’un K.R.T.D. (activité trotzkiste contre-révolutionnaire), il demandait :

— Est-ce qu’il remplit la norme ?

La plupart n’étaient pas en mesure de le faire. Lorsqu’ils rentraient de la mine, ces malheureux étaient appelés pendant l’appel du soir. Il les accusait d’être des saboteurs qui continuaient leur criminelle activité trotzkiste contre-révolutionnaire dans le camp. Il les faisait mener à l’extérieur où ils étaient fusillés en sa présence sur une place à quelques kilomètres de là.

Cela ne lui suffisait pas. Il faisait aussi monter nuitamment dans des camions des milliers « d’ennemis du peuple » extraits de tous les camps de Kolyma, pour les enfermer dans une prison.

Cette prison, appelée « Serpantinka », se trouvait en pleine forêt, à six cents kilomètres environ à l’ouest de Magadan. C’est certainement l’un des endroits les plus sinistres de l’Union Soviétique. La glace et la neige, les montagnes et les forêts étaient les seuls témoins des derniers râles des gens torturés, de leurs derniers cris d’angoisse avant qu’on les abatte.

Rares étaient les heureux qui pouvaient retourner au camp de travail avec une simple augmentation de peine de dix ans qui s’ajoutait à leur condamnation. Plusieurs années après, leur terreur restait encore si grande qu’ils n’osaient pas confier à leurs camarades de captivité le moindre détail sur le caractère inhumain de ce qu’ils avaient vu et enduré. Et, s’ils le faisaient finalement, leurs yeux ne cessaient de guetter à la ronde s’il n’y avait pas un mouchard dans les environs, avant de raconter à voix basse et en quelques mots seulement comment, en 1938, dans la prison de Serpentinka, sur l’ordre du communiste Garanine, des milliers d’innocents avaient été torturés jusqu’à la mort, avaient été assassinés.

En confrontant les informations, il apparaît que Garanine a au moins 26.000 morts sur la conscience. Il fallut la mort de 26.000 innocents en un an pour que Moscou, alerté par un rapport alarmant de quelques collaborateurs de Garanine, se vit forcé d’intervenir. Garanine fut rappelé. Selon les uns, il aurait été condamné à quinze ans de camp ; selon les autres, il aurait été fusillé. La plus grande partie des condamnations qu’il avait prononcées furent annulées. Un certain pourcentage de condamnés dut cependant accomplir, malgré toutes les protestations écrites et les requêtes, les dix ans qui leur avaient été infligés, sans qu’aucune explication soit donnée. Ils sont encore en train de purger cette peine, s’ils sont vivants.

En même temps que Garanine, disparut son chef hiérarchique de Moscou, Iejov, qui porte, lui aussi, la responsabilité d’avoir fait condamner des millions d’innocents, non sans que le chef de l’État en ait connaissance.

(...)

Elinor Lipper
ONZE ANS DANS LES BAGNES SOVIETIQUES (1950)
pp. 95-98

(1) Jusqu’en 1947, date de son abolition. Elle devait être rétablie par décision du présidium du Soviet suprême le 13 janvier 1950. Inapplicable dans le cas d’un crime de droit commun, elle concerne uniquement « les traîtres, les espions et les saboteurs ». (N. d. T.)


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