GUERRE AU SPORT !
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Divers camarades ont signalé, avec raison, dans l’anarchie, le danger que présentait le sport, au point de vue social.
Aujourd’hui, on ne fait plus du sport dans le but de développer ses forces physiques ; on en fait un métier. Des matches ont lieu, et l’attention des individus se porte entièrement sur les faits sportifs.
Dans les ateliers, dans les usines, partout, on ne parle que du sport ; on laisse de côté les faits sociaux qui se déroulent chaque jour, pour ne s’occuper exclusivement que des courses d’autos ou de bicyclettes ; on délaisse les journaux d’éducation pour ne lire que les journaux sportifs.
Entrant dans un atelier, vous n’entendez que des conversations... sportives. Et si vous voulez amener la discussion sur les faits révoltants qui se sont passés ces temps derniers, les « compagnons » vous regardent avec un petit air qui voudra dire : « Il nous embête, celui-là, avec sa politique ! » Ce qui n’empêchera pas ces « anti politiciens » de voter avec enthousiasme chaque fois que l’occasion s’en présentera.
Certes, le sport pratiqué avec modération, ne peut pas nuire à l’individu, au contraire ; il développe le corps et rend l’homme fort et énergique. Mais il n’en est pas de même lorsqu’il est pratiqué à l’excès, il alourdit les facultés mentales et fait de l’homme une brute, incapable d’aucun raisonnement rationnel.
Nos gouvernants le comprennent bien, puisqu’ils encouragent le sport et cherchent à le généraliser. Le football, la gymnastique, tiennent une grande place dans les programmes scolaires. On veut donner aux enfants le goût du sport et les détourner ainsi de la lutte sociale.
Joint à l’idée de patrie, de morale, d’autorité etc., le sport ne peut que finir d’abrutir l’homme !
Eh bien ! — il n’est, pas inutile de le répéter — nous devons combattre énergiquement le sport, le sport qui abrutit, qui tue les intelligences et déforme les cerveaux. Employons la violence s’il est nécessaire, mais ne laissons pas envahir les milieux où nous vivons par ce nouveau moyen d’abrutissement.
Guerre aux sports !
Alfred LORIAT.
l’anarchie — Troisième Année — N° 124 — Jeudi 22 Août 1907
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SUR LES SPORTS
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Plusieurs camarades ont, dans différents articles, approuvé la valeur, l’efficacité des sports au point de vue physique, mais ont critiqué, avec raison, la mauvaise façon, la manière absurde de les pratiquer.
En effet, de nos jours, les sports sont devenus pour bien des gens un moyen d’existence ; certains hommes sont des sportmen par métier, par profession ; d’autres, le sont pour l’honneur, pour la galerie.
Tous font du sport pour autrui et non pour eux, soit dans un but de divertissement, soit dans un but de développement physique individuel.
Est-il besoin de dire de quelles façons sont régies, dirigées les associations sportives ? Toutes ou presque possèdent une belle et noble organisation : présidents, membres honoraires, règlements, statuts, cotisations mais de toutes, les plus idiotes sont les sociétés de gymnastique. Si on examine ces sociétés,on est tôt convaincu qu’elles sont un rempart de l’édifice capitaliste.
Remontons à l’origine de ces groupements. Leur développement, leur extension partent de l’année terrible. Nos maitres, nos dirigeants, nos bourgeois, une kyrielle de revanchards en un mot, attribuèrent notre défaite à la bonne organisation, la forte constitution de sociétés de gymnastique qui existaient à cette époque chez les Allemands. Alors, sur tous les points de la France l’on créa, multiplia, favorisa les sociétés actuelles. Ce qui est caractéristique, c’est les titres dont elles se décorèrent : la Patriote, la Revanche, l’Alsace Lorraine, l’Espérance, la Tricolore, la Française, la Patrie, l’Avant Garde, Pro Patria, que sais-je encore ? Les salles de répétition sont illustrées de devises patriotiques, telle celle du général Chanzy « Faites nous des hommes, nous en ferons des soldats ».
Sous le couvert de former des individus forts, on fabrique des automates. Oui, ainsi que l’avoue ingénument le Chanzy, on transforme les hommes en soldats. On n’a point pour but de développer les qualités de l’homme, mais bien plutôt certaines qualités qui font un bon esclave, un bon mercenaire. La société de gymnastique est l’antichambre de la Caserne.
Jules DUPOUX.
l’anarchie — Troisième Année — N° 131 — Jeudi 10 Octobre 1907