Anne MORELLI
Lettre ouverte à la secte des adversaires des sectes -1997
« De nombreux livres à sensation sont disponibles en librairie. Beaucoup d’entre eux sont consacrés à un mythe très ancien et toujours vivace : celui du Grand Complot, de la Conjuration, du Plan secret universel. Les Juifs, les Franc-Maçons, les Jésuites, les communistes ont eu dans ce domaine leur heure de gloire mais sont plutôt démodés. Le vrai péril du jour, celui qui fera trembler dans les chaumières, le maléfique complot, la sombre menace universelle (...) a pour nom les sectes. Si le doute vous a effleuré un jour, si l’hystérie anti-secte vous semble tout compte fait moins naturelle qu’il n’y parait ou animée par des motivations pas toujours innocentes, si l’insondable crédulité humaine vous semble parfois présente tant dans les religions que dans les sectes et que vous éprouvez quelques difficultés à distinguer les unes des autres, alors votre cas n’est pas désespéré. Accrochez-vous aux pages qui suivent... J’espère arracher au moins quelques lecteurs aux griffes de la secte des adversaires des sectes... »
Anne Morelli est professeure d’Histoire des Églises chrétiennes contemporaines et de Textes chrétiens contemporains à l’Institut d’histoire des religions de l’Université Libre de Bruxelles. Elle a participé en tant qu’expert à la Commission d’enquête parlementaire sur les sectes. Pendant douze années, avec ses étudiants de sociologie des religions, elle a mené à Bruxelles des enquêtes auprès de dizaines de petits groupes religieux appelés communément « sectes » . Cette approche de première main lui a donné un regard alternatif et pondéré contrastant celui des médias sur ces communautés qu elle ne peut s’empêcher de comparer avec les congrégations catholiques qu’elle a bien connues dans son enfance. Elle plaide, non sans ironie, pour une tolérance religieuse élargie également à tous les « fous de Dieu », qu’ils fassent partie d’une grande multinationale de la religion ou qu’ils soient de petits entrepreneurs indépendants... Parmi ces derniers, il y a peut-être les religions triomphantes de demain, et il serait illusoire de vouloir bloquer définitivement l’évolution du paysage religieux pour le prochain millénaire.