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QUAND JE S’RAI GRAND, J’ME SUICIDERAI !
envoyé le 17/09/22 Mots-clés  service public   antimilitarisme   lois sécuritaires  

« Vive la mort »

C. Guillon, Tankonala Santé, n° 17, hiver 1975

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Merde se dit le lecteur, encore un éditorial sur l’Espagne avec le sempiternel couplet sur le cri de mort lancé par je ne sais plus quel fasciste, défi à l’intelligence, etc. Le lecteur peut se rassurer ; quand j’écris : « Vive la mort ! » il s’agit de prendre l’expression au pied de la lettre. La mort ça peut être chouette, c’est indispensable à la vie à tel point que les opposer relève du comique et surtout la mort ça n’a rien de fasciste.

Nous n’opposons pas vie organique et mort organique.

Nous opposons la vie que nous cherchons à la non-vie qu’on nous impose.

Nous opposons la mort choisie et assumée à la mort que nous imposent les bourreaux.

Balzac disait : « J’appartiens à cette sorte d’opposition que l’on appelle la vie » et c’est plus qu’une façon de parler puisque cette opposition peut aller jusqu’à se donner la mort.

Aux USA, quelque part, Karen s’est tuée à 21 ans en avalant un mélange de tranquillisants et d’alcool. Depuis six mois elle est maintenue en état de survie artificielle par un médecin, glorieux défenseur du droit à la vie : le Dr Morse. Celui-ci a osé déclarer : « Je refuserai de lui donner la mort. » Or, il se trouve précisément que Karen n’avait attendu de personne, pas même des médecins, la permission de « se donner la mort ». Aujourd’hui sa mort s’est jouée devant un tribunal [1] alors même que ses parents, pourtant catholiques, ont demandé qu’on débranche l’appareil respiratoire qui prolonge cette sinistre comédie. Les charognards s’en mettent jusque-là, du Vatican au Parisien Libéré où le Pr Vic-Dupont déclare : « C’est la porte ouverte au crime ! » et d’évoquer les atrocités nazies comme de bien entendu. D’ailleurs ajoute Le Parisien, on le sentait venir avec cette histoire d’avortement libre, c’était fatal.

En fait, ils ont bien raison au Parisien ; c’est bien le même combat, notre mort nous appartient, notre corps nous appartient !

Que faire ?

Si nous voulons que demain les milliers de Karen qui choisissent la mort chaque année puissent choisir la mort douce, il faut battre en brèche l’immonde pouvoir de vie et de mort que les médecins veulent garder sur nous. Il faut casser le chantage de la société qui dit à ceux qui veulent mourir « après tout, c’est votre affaire, tant pis si vous souffrez et d’ailleurs si vous vous ratez, nous ne vous raterons pas, nous ferons tout pour vous contraindre à la survie ».

Pour cela nous pouvons tenter de redistribuer aux gens eux-mêmes le savoir que les spécialistes détiennent. Quelqu’un qui veut se tuer ne devrait plus avoir à se demander s’il aura le courage de sauter sous le métro et s’il aura du mal et s’il mourra tout de suite... Chacune [un] devrait connaître la dose exacte du médicament nécessaire. Pour commencer ceux qui savent : médecins, infirmiers, etc., et qui sont prêts à mettre, pour une fois pratiquement, leur savoir au service de tous, peuvent écrire au journal la liste des moyens chimiques de se tuer sans souffrance dont ils ont connaissance (nom des médicaments, prix, avec ou sans ordonnance, dosage exact). Il sera alors possible d’étudier les moyens de diffusion du matériel ainsi rassemblé (presse, affiches...).

Ecrire à TK avec mention : Comité Mort Douce.

[Reproduit in Le Droit à la mort, Suicide mode d’emploi, ses lecteurs et ses juges, 2010]

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[1]. Tribunal dont le président s’est distingué en estimant « qu’il y a présomption qu’elle choisit de continuer à vivre ». [Malgré une première décision de justice favorable, Karen Quinlan dut attendre la mort dix ans. Elle est décédée dans la nuit du 11 juin 1985, sans jamais être sortie du coma.]

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QUAND JE S’RAI GRAND, J’ME SUICIDERAI !

Les braves gens n’aiment pas qu’on se suicide autour d’eux. C’est une irruption de la mort dans leur quotidien qui les dérange, les gêne. Le suicidé trahit quelque chose, une sorte de pacte tacite des vivants tous là pour se colleter avec l’existence. Se suicider est indigne. Il est lâche de fuir, de DÉSERTER l’existence, qui comme chacun sait est un combat. Le réflexe est au fond le même s’agissant d’une institution (armée) ou de la vie. Refuser c’est choisir la facilité.

Préférer la mort c’est aller plus loin ; c’est dans le système manichéen où nous évoluons, préférer le mal au bien, les ténèbres à la lumière. Et le troupeau n’est pas tendre avec ceux qui le quittent de leur plein gré qu’ils aient choisi d’ailleurs la mort ou une vie différente. Pour les morts cependant, surtout s’ils sont jeunes, on mettra plus d’apitoiement doucereux dans le rejet. Se suicider au bel âge, pensez-donc, on ne sait plus ce qu’ils veulent ! Et c’est le grand frisson charognard qui chatouille l’échine. 17 ans vous vous rendez compte, avec un bidon de solexine, si c’est pas malheureux ! La mort des autres attire aussi. On voyeurise à peu de frais dans le sang des autres le tragique d’une époque qu’on a renoncé à vivre. On s’interroge en frissonnant sur sa responsabilité. On a le remords voluptueux. On finira par se rassurer. Ce sont tout de même, n’est-ce pas, les plus faibles qui succombent.

On s’intéresse moins au suicidé adulte, à moins qu’il n’ait vraiment fait les choses en grand, étripant d’abord sa femme et ses neuf enfants avant de « se faire justice ». A peine prête-t-on attention aux quelques vieillards trop pressés de quitter ce bas monde. Ils avaient pourtant si peu à attendre !

La société a réussi à intégrer le suicide au spectacle quotidien par ses campagnes de presse à scandale, ses théories sociologiques d’arrière-presbytère. Je voudrais ébaucher ici une réappropriation du suicide, donc de la mort, susceptible à mon sens de maîtriser notre « destin ».

Envisager le suicide comme moyen de marquer soi-même la limite de son existence, c’est casser la gangue d’airain de la fatalité – « il faut bien vivre » puisque l’on est – fatalité mythique qui puise dans la naissance, irrémédiablement exclue du choix individuel, sa réalité apparente. Puisque ta naissance a été l’affaire des autres, ta vie ne t’appartient pas non plus, elle appartient à dieu. C’est ce que la religion a toujours affirmé, voulant dissimuler que la mort, elle, nous appartient si nous le voulons. Fantastique pouvoir recouvré sur nos vies dont l’ivresse peut bien nous mener à repenser la non-vie qu’on nous impose. Manière aussi de vivre maintenant et pour soi, maintenant un peu comme on s’imagine atteint d’une maladie incurable, brûler le temps de vie qui nous reste, pour soi et non pour je ne sais quels lendemains chantants que seuls peut-être les enfants des enfants qu’on s’empresse de faire pourront connaître.

L’église a su utiliser à merveille la peur hideuse de la mort. En promettant le paradis à ceux qui plient le genoux, elle leur réserve à eux seuls l’antidote miraculeux, succédané d’éternité qui annule la mort. Aux mécréants la fournaise infernale, la mort atroce parce qu’inconnue et sans rémission. Elle nous fait si peur qu’on passe sa vie à l’oublier. En 65 ans c’est difficile. On s’en sort en passant le temps d’aujourd’hui pour après demain. Jeune on fait des études pour être adulte, ensuite on travaille pour cotiser à la sécu, pour quand on sera vieux. Ensuite on est mort ouf ! On a réussi à ne pas y penser. On peut même dire qu’on a pensé à rien, c’était plus sûr. De plus, nous sommes tout prêt de temps à autre à participer à de gigantesques cérémonies d’exorcisme où l’on tue sa peur en tuant « l’autre », le « méchant », le « mauvais », à Verdun ou ailleurs.

On pourra trouver paradoxal de parler de mort pour changer la vie. C’est que notre mort comme notre corps nous est confisqué dès notre premier souffle et que changer la vie signifie nous recréer totalement y compris et surtout dans ce qui nous effraie en nous-même parce qu’on nous a appris la peur.

Claude Guillon.

TANKONALASANTÉ N°11, OCTOBRE 1974.

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Écoute petit homme (1974) [*]

Révolutionnaire ou marginal, on t’accuse de fouler aux pieds les traditions. Il en est au moins une que tu perpétues vigoureusement : la procréation. Tout au plus, femelle, tu revendiques dans le meilleur des cas le libre choix du lieu et de l’heure.

Tu parles d’octroyer à tes enfants la direction de leur existence, mais c’est le projet même de leur conception qui leur est irrémédiablement extérieur. Tu ne peux donner la vie, tu l’imposes.

Tu vis et à peine né, on t’emporte pour t’apprendre à vivre.

Tu t’es persuadé peu à peu que c’est ton droit de choisir quand tu veux avoir des enfants ; maintenant demande-toi si tes enfants ont choisi de se faire avoir.

Tout ça n’aurait guère d’importance bien sûr si nous vivions au paradis. Mais le paradis n’existe pas. Que tes motivations pour faire des enfants soient « naturelles » ou non importe peu ; « naturel », notre monde ne l’est pas. Tes enfants te le vomiront à la gueule ; et s’ils l’acceptaient… !

Tu continues à procréer au nom de la révolution ou de l’espoir comme d’autres le font au nom de la race ou de la religion. Occupé à remettre péniblement en cause ton misérable confort sexuel, tu ne peux supporter de réfléchir à la signification actuelle de ce que tu considères toujours au fond comme son aboutissement, sa justification.

L’enfant te sert de panacée. Il cimente ton couple qui s’effondre. Il remplit le vide de ton existence. Il est le remède à ta solitude. Il est le futur où tu projettes tes projets avortés, tes espoirs déçus. Il est ta propriété exclusive. Tu en obtiens facilement admiration et reconnaissance.

Il est temps de t’habituer à jouir pour le plaisir. Femelle, il est temps d’assumer ta sexualité sans sublimer tes désirs atrophiés dans la ponte de petits pantins chauds et braillards. Tu n’es pas chargé(e) de l’avenir de l’espèce.

Si ton combat ne mène nulle part, ne t’en prends qu’à toi même. Si ta soif de donner l’amour est véritable, prends avec toi les enfants que les autres ont fait par hasard.

Tu parles de pessimisme, mais le pessimisme comme l’espoir sont deux masques de la foi. Cesse de te mentir ; tu ne sais rien, sinon que tu existes. Tu as le choix : crève ou continue. Tu ne dois plus croire en rien.

Tu confonds la procréation et la course aux armements ; tu veux continuer à faire des petits révolutionnaires (!) parce que les autres font des petits conformistes. Tu dis (Margaret Mead[1]) que c’est une grande aventure du temps présent de faire des enfants pour un monde inconnu. Mais tu fais courir l’aventure aux autres.

Claude Guillon

[*] Placé en regard d’un article favorable à la procréation, ce texte est publié dans Tankonala Santé, TK pour les intimes (n° 12, novembre 1974), journal qui se propose « de briser le cercle vicieux où les malades fabriquent des médecins et les médecins des malades ». Ces derniers doivent reprendre le pouvoir sur leur maladie et sur leurs corps, et remettre en cause « tout ce qui les rend malades dans la vie quotidienne : l’école, l’usine, le pavillon à crédit, le couple, etc. »
L’article, dont le titre reprend celui d’un livre de W. Reich, a été reproduit dans l’anthologie publié dans la petite collection Maspero (Tankonalasanté, 1975), sous le titre « Des enfants : en avoir ou pas ». Il s’inscrit dans une tradition anarchiste de refus de la procréation comme reproduction du monde, dont on trouvera une autre illustration dans la lutte pour la légalisation de la vasectomie.

[1] Anthropologue (1901-1978), auteur de L’Adolescence à Samoa (en français dans Mœurs et sexualité en Océanie, Plon). Ses thèses concernant une grande liberté sexuelle laissée aux adolescentes de Samoa sont remises en cause. Cf. Tcherkézoff Serge, Le Mythe occidental de la sexualité polynésienne, PUF, 2001.


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