Antisémitisme et antisionisme
Enfin, une autre tendance idéologique – particulièrement mal étudiée quoique tout à fait visible et quasi explicite dès leurs débuts – fut encore déterminante pour les terroristes d’extrême gauche allemands : l’antisionisme et l’antisémitisme. Rappelons que les Tupamaros West-Berlin par exemple ont délibérément choisi pour cible le centre communautaire juif de Berlin-Ouest pour leur attentat (manqué) du 9 novembre 1969. Dans un tract, ils déclaraient alors que « la nuit de cristal de 1938 » est reproduite « quotidiennement aujourd’hui par les sionistes dans les territoires occupés, les camps de réfugiés et les prisons israéliennes. »47. Cette légitimation de l’attentat et l’équivalence établie entre la politique d’Israël et les pogroms organisés par les nazis, relèvent très clairement d’un antisémitisme secondaire ou d’un « antisémitisme de déculpabilisation » [« Schuldabwehrantisemitismus »]48.
Ce motif va réapparaître régulièrement après 1969, comme lors de la prise d’otages par des terroristes palestiniens de l’équipe olympique israélienne aux Jeux de Munich en 1972. Ulrike Meinhof, déjà en prison, justifie l’attaque au nom de la RAF49 : « Israël verse des larmes de crocodile. Elle a brûlé ses sportifs comme les nazis l’ont fait avec les juifs – du carburant pour la politique impérialiste d’extermination. »52. Pourtant, Israël n’avait pas mandaté de commando ; les athlètes israéliens étaient bel et bien les victimes d’un commando palestinien. Ici encore, la justification de l’attaque reflète un antisémitisme de déculpabilisation.
Les trois groupes armés d’extrême gauche de la République fédérale étaient dépendants de la formation et partiellement du financement et de la logistique, offerts par le Fatah, plus particulièrement par le PFLP53. Ils ont coopéré avec les terroristes palestiniens car ils avaient un ennemi mortel commun : Israël, qu’ils ont attaqué sur le territoire allemand. Le 9 mai 1977, le Spiegel publie une lettre de Hans-Joachim Klein que l’ancien membre des Cellules Révolutionnaires a déposée à Milan. Klein avait notamment intégré le commando germano-palestinien placé sous le commandement de Carlos lors de l’attaque du siège viennois de l’OPEP. Dans son courrier, Klein expose les raisons de son retrait50 et renseigne l’État au sujet de la planification par les Cellules Révolutionnaires d’assassinats des présidents des communautés juives de Berlin-Ouest et de Francfort, Heinz Galinski et Ignatz Lipinski.
https://journals.openedition.org/quaderni/799